« En faisant la lessive, j’ai trouvé un mot doux adressé à ma femme » Alors que pour un humain, il est évident que cette phrase parle d’infidélité, pour un robot c’est loin d’être clair. C’est avec ce défi, comprendre et soutenir des gens dont le couple est en difficulté, que Deeplink est né.
Comme expliqué dans le 1er épisode, j’avais pris la décision de construire un outil autour de la conversation et l’intelligence artificielle (IA). Maintenant, il fallait matérialiser le souhait… mais par où commencer ?
Ça peut paraître un peu dingue, mais mon premier projet en tant qu’entrepreneur sera… de parler de problèmes de couples. C’est le défi que m’ont proposé Patrick Delarive et Gérard Decombat : créer un chatbot psychologique.
Évidemment, à l’enthousiasme naïf de l’entrepreneur débutant succède rapidement le doute. Comment vais-je faire comprendre à un robot que les humains ont énormément d’expressions différentes, surtout lorsqu’il s’agit de parler de sujets délicats et personnels ?
• Ma femme me trompe
• Je suis cocu
• Mon mari couche avec la voisine
• J’ai des cornes, je ne passe plus sous les portes
• Mes enfants ressemblent au facteur
Quelle galère ! Toutes ces expressions parlent du même sujet : l’infidélité, et aucun corpus de données n’existe pour ce sujet. Pire, en cherchant d’autres exemples sur des blogs de psychologie, j’ai observé que personne n’affiche ses sentiments de façon aussi brute que lorsqu’ils parlent avec un·e psy, et encore moins qu’avec un robot. Prenez des assistants vocaux comme Alexa ou Siri : qui n’a jamais posé une question coquine, ou insulté le système ? Face à un robot, on s’exprime sans filtres.
Notre première bonne idée: sonder
Daniel Peppicelli se joint à l’aventure, et nous sondons notre entourage : nous découvrons quelques expressions, mais cela manque cruellement de diversité. Il nous faut d’autres vraies personnes ; nous avons treize sujets à couvrir comme le sexe, la jalousie, le futur, les enfants, la séparation, la violence… C’est là que nous avons notre première bonne idée : nous créons le 1er outil de collecte de données pour chatbot au monde. Via de petits sondages contextualisés, nous récoltons une collection de phrases et expressions réelles, émanant d’humains parlant de leur couple : l’idéal pour entrainer notre IA. Le succès est au rendez-vous : en trois jours, nous amassons plus de 5’000 phrases !
Préparer l’IA c’est bien, mais il faut aussi que Gérard, notre psychologue, transpose dans un programme toute sa connaissance du domaine. Nous testons quelques outils du marché mais c’est la douche froide : complexes, obscures, nécessitant de savoir coder, ils ne sont pas adaptés à un non-informaticien. On décide alors d’utiliser un éditeur visuel autrement dit une approche « no-code ». Il n’y a plus de frein technologique, Gérard écrit plus de 1’800 réponses en 6 mois, qui donnera naissance au lancement début 2020 de Psykoople, qui a depuis répondu à plus de 45’000 interactions rien qu’en Français.
Du côté Deeplink, ces deux premières fonctionnalités deviendront la base de notre produit. Puis le Covid est arrivé. Nous proposons au canton Vaud et au canton de Genève de mettre en place un chatbot informant sur les restrictions sanitaires et les aides octroyées. Ils acceptent avec enthousiasme : grâce à notre outil, en 24h et 72h respectivement, les chatbots sont en ligne. Dès les premiers jours nous observons jusqu’à 500 interactions par heure. Il n’y pas plus de doutes notre outil est vraiment utile.
Ainsi la machine était lancée, il était temps d’accélérer et de penser à la première levée de fonds. Mais comme vous le découvrirez au prochain épisode, tout ne s’est pas passé comme prévu…